Eoliennes : mes veaux deviennent aveugles


Témoignage de Luc Dupaquier, Vesvres (21)

Mon nom est Luc Dupaquier. Je suis installé en tant qu’agriculteur depuis 1980. Je travaille sur la terre de mes ancêtres, mes grands-parents et arrière-grands-parents. Nous vivons au Hameau des Granges de Vesvres, à une quarantaine de kilomètres de Dijon. Nous élevons des vaches, des moutons et des chevaux. Notre ferme est entourée par nos prés, il y a aussi une source et deux étangs. Une ligne électrique moyenne tension traverse notre propriété mais elle ne nous a jamais posé de problème.
Notre exploitation fonctionnait normalement jusqu’à la construction de deux parcs éoliens à l’Est de nos pâturages, sur les communes de Massigny les Vitteaux et Marcellois, à deux, trois kilomètres à vol d’oiseau.
Les effets secondaires sur nos animaux ont commencé à se faire sentir en 2014 : les veaux ont eu des problèmes respiratoires à répétition, avec de fortes fièvres. Et puis, les mères avaient des comportements étranges : elles se sont mises à se coucher systématiquement dans les angles de notre stabulation, sur le troisième box à gauche, et elles refusaient de s’installer sur la paille fraiche, au centre.
Un géobiologue nous a appris que nos bâtiments étaient installés sur une faille rocheuse, et que celle-ci avait été agrandie par les fracturations dues aux travaux des deux parcs éoliens. Nous avons fait placer des piquets de cuivre, pour essayer de rétablir l’équilibre des champs magnétiques dans le sol : ça a fonctionné quelques semaines, mais ensuite les problèmes sont revenus.
Malheureusement, nous n’étions pas au bout de nos peines : il y a un an, en 2023, une antenne relai 4G+ a été installée à l’ouest de notre domaine, à 300 mètres de chez nous. Et là, ça a été comme la goutte de trop dans l’effet cocktail électrique. Nous avons commencé à perdre des bêtes, une quarantaine en un an, contre une quinzaine les années précédentes.
Nos bêtes se sont mises à perdre du poids, jusqu’à 250 kg par animal pour certains bovins, et nos bêtes sont devenues infertiles. Les chevaux qu’on mettait au pré à proximité de l’antenne pour une saillie en liberté n’ont jamais donné de poulains.
Et le pire, ce sont nos veaux : nous avons exactement les mêmes symptômes que cet agriculteur de Haute Loire à Mazérat, qui a témoigné et appelé au secours : les petits tètent un ou deux jours, puis ils perdent la vue, en hurlant de douleur. On les entend crier leur souffrance auprès de leurs mères. Alors nous préférons les euthanasier plutôt que de les voir souffrir.
Les problèmes électriques se ressentent jusque dans nos moissonneuses et nos deux tracteurs. Nous les avons garés dans l’axe des installations électriques : les trois batteries sont mortes. On passe notre temps à changer les bobines et les alternateurs. Un tracteur peut se réparer, mais pas le vivant.
Pour les promoteurs, c’est la course au terrain conquis, installer toujours plus de mâts. Pour nous, c'est la course à la survie. Pot de terre contre pot de fer. Les promoteurs s’arrangent pour trouver des terrains en cherchant sur le cadastre des propriétaires citadins, qui ont parfois hérité d’une parcelle. Ils leur proposent des sommes alléchantes pour un endroit où ils ne mettent jamais les pieds, pourquoi voulez-vous qu’ils refusent ? Nous, habitants des campagnes, nous ne pouvons pas lutter seuls contre cette industrialisation forcée.
Nous ne comprenons pas pourquoi les pouvoirs publics ne répondent pas à nos appels : notre santé se dégrade, nous ne dormons plus, l’état de nos bêtes est dramatique.
Nos enfants veulent rester avec nous pour vivre sur les terres de nos ancêtres. Ils veulent reprendre la ferme. Mais quel avenir auront-ils ?
Un nouveau projet de 9 éoliennes de 240 mètres de haut devrait voir le jour à Beurizot Boussey. C’est à 500 mètres de chez nous. Qu’allons-nous devenir ?
S’il vous plaît, citoyens de nos belles régions, ne regardez pas ailleurs, et pensez à nous lorsque vous verrez en passant par le train ou l’autoroute ces gigantesques machines. Nous sommes tous concernés. Les bêtes ne mentent pas : il y a un problème de santé publique.

Témoignage recueilli par Sioux Berger

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Les Pentes, Editions De Borée, Sioux Berger, en librairie.